Urbanisme
Marseille-Sud, France, 1946
© FLC/ADAGP
INFOS PRATIQUES
Projet non réalisé
L’entourage à réserver à l’Unité du boulevard Michelet et la sauvegarde de son principe (soleil, espace, verdure) devaient un jour conduire le ministre de la Reconstruction à demander à Le Corbusier de donner son idée sur l’urbanisation de « Marseille-Sud », région comprise entre les limites extérieures actuelles de la ville et les monts au pied desquels s’installe précisément le projet de « Marseille-Veyre ». Cette nouvelle étude est née au moment où apparut la « Règle des 7 V ». Elle en fait application. Le territoire envisagé est un vieux sol sillonné de vieux chemins, abritant de vieilles bourgades, une grande et antique ville. La « règle des 7 V » apporte aux surfaces prises en considération une circulation ponctuelle, harmonieuse et efficace.
Ici, à Marseille-Sud, sur un carré de quatre kilomètres de côté, les voies nationales, les voies municipales, les voies de stricte circulation mécanique, les rues marchandes à circulation mixte, les rues desservant les habitations (telles que l’Unité d’habitation combinée avec les maisons familiales) et celles qui conduisent aux portes mêmes de chacune des petites maisons, constituent un ensemble circulatoire entier et organisé. La « V7 » enfin, occupe les bandes vertes qui s’en vont de l’hinterland vers la mer, là où le paysage s’ouvre; les V7 sont les voies réservées à la jeunesse, aux écoles, au sport, etc. Dans de telles conditions, le boulevard Michelet, grande voie de la catégorie V 2 (voie municipale importante) peut passer au-devant de l’Unité d’habitation de grandeur conforme actuellement construite, sans rompre la règle. On verra apparaître une V 3, destinée au service de trois « Unités » nouvelles, situées au nord de l’actuelle: elle traverse le boulevard Michelet « sous-niveau » et pousse des ramifications de V 4 et V 5 accordées aux trois « Unités ». On voit dès lors se grouper selon une règle quatre unités d’habitation de chacune 1600 habitants. On voit apparaître en plus une unité d’un nouveau type: une tour cylindrique destinée à la population nomade – les célibataires, les couples n’ayant pas encore d’enfants. Ces deux tours cylindriques sont favorables à l’esthétique générale paysagiste. Elles sont une réponse à l’appel des formes. Tout proche, on voit les maisons familiales d’un étage, touchées par les V 6. Séparation totale de l’auto et des jeux. Les terrains de jeux sont accumulés sur l’autre face des maisons, à l’abri du bruit et des dangers. On voit enfin, sur ce même plan, apparaître la V 4, voie marchande, rue qui tout naturellement suit des tracés inscrits depuis longtemps sur le territoire, dans la topographie et la géographie.
Ce plan de « Marseille-Sud » reporté sur une grande photographie prise d’avion montre comment l’urbaniste moderne respecte les ressources naturelles d’un territoire, offrant, vu de haut, un ensemble souple et vivant. Les arbres existants demeurent; il est facile d’en tirer parti, d’en constituer le paysage urbain. La même photographie d’avion montre comment, dans les territoires contigus, selon l’usage en honneur à Marseille, les petits cabanons, les petits pavillons s’emparent des surfaces disponibles, les stérilisant, et conduisent à une faible densité incapable à satisfaire aux besoins des sociétés modernes et qui accablent par le gaspillage les finances des communautés.
Extrait de Le Corbusier, Oeuvre complète, volume 5, 1946-1952