Usine Claude-et-Duval

Le projet

Trois propositions sont présentées par l’atelier de la rue de Sèvres avant le choix de l’avant-projet en mai 1947 et sa finalisation en avril 1948. Ce chantier et celui  de l’Unité d’Habitation de Marseille sont quasi simultanés et impliquent des collaborateurs communs. La direction en est confiée à André Wogenscky, Fernand Gardien suivant la construction et Vladmir Bodiansky l’ingénierie.

Le Corbusier décrit l’usine comme une composition de trois volumes : l’espace des pilotis, celui  des ateliers  de confection et le dernier étage des bureaux et toit-terrasse. Cet ensemble est relié aux bâtiments d’avant guerre non détruits qui ont été agrandis et réaménagés pour accueillir la bonneterie.

La double rangée de pilotis en béton supporte le bâtiment principal, en béton armé, sur trois niveaux. Les bureaux seront réalisés entre juin et août 1949 au niveau du toit-terrasse. La structure de l’usine est fermée par deux murs pignons aveugles, en grès des Vosges récupéré des  bâtiments démolis.

Les façades longitudinales sont caractérisées par des pans de verre, avec des menuiseries en bois. Sur la façade principale sud-est, des brise-soleil en béton sont pour la première fois installés. Ils  garantissent le confort des employés et évitent l’exposition prolongée  des tissus.

La distribution des ateliers et de leurs annexes obéit à la logique de la production. Les rouleaux de  tissus arrivent par monte-charge au 3^ème étage, pour y être découpés. Ils descendent ensuite au 2^ème étage, où se trouvent les ateliers d’apprêt et de confection. Le 1^e étage, est conçu comme un lieu de stockage.

L’espace sous les pilotis abrite le quai d’embarquement, la conciergerie, le parc à vélos et l’entrée principale. Il révèle l’harmonie des contrastes de matière et de polychromie. Sont juxtaposés des éléments structurels en béton brut, des plafonds peints, des dalles en verre et des dallages, certaines  pierres ayant été récupérées des trottoirs de la ville pour être utilisées sur le mur d’entrée.

Le toit-terrasse et les bureaux ont fait l’objet d’une attention particulière. Le hall d’entrée dessert à gauche l’administration et, à droite, les bureaux des représentants, de la direction et une salle de réunion. On remarque dans le hall un petit escalier hélicoïdal qui relie les bureaux aux  ateliers. Les deux bureaux des représentants sont dotés de parois de contreplaqué en chêne et de meubles fixes. La salle de réunion a été créée en réduisant l’espace initialement prévu pour le bureau du directeur.

Comme dans l’appartement-atelier de Le Corbusier, une grande porte pivotante sur axe décentré sépare les deux pièces. Une attention particulière a été apportée à l’amenagement intérieur des bureaux : chaises et table de Jean Prouvé pour la salle de réunion, grandes reproductions photographiques d’œuvres de Le Corbusier…

Les surfaces extérieures sont traitées de façon différente. Les façades nord et sud évoquent les loggias de Marseille, ponctuées de pavés de céramique verts, jaunes et blancs. La façade nord-ouest  met en valeur le volume courbe des salles d’attente.

Deux terrasses prolongent le bloc des bureaux. Au nord-ouest, des murs en biais occultent la vue des bâtiments voisins pour ouvrir sur le paysage.

Comme l’Unité d’Habitation de  Marseille, l’usine a été un chantier d’innovations et d’expérimentations du béton, de la polychromie, de la modulation de la lumière par les brise-soleils et de l’utilisation du Modulor pour les proportions.