1957-1960 : Derniers adieux, derniers projets
Les déplacements répétés de l’année qui vient de s’achever, n’auront pas permis à Le Corbusier de repousser ou d’échapper au décès d’Yvonne, début octobre. Esseulé, profondément éprouvé, voire complètement hébété si l’on en croit d’anciens collaborateurs du 35 rue de Sèvres, Le Corbusier n’en oublie pas pour autant sa mission architecturale. L’année 1958 débute en Inde, à Chandigarh où il effectue son treizième voyage pour suivre l’avancée des travaux mais aussi pour réaffirmer, avec l’aide de Nehru, sa mainmise sur la direction du projet.
Au souvenir du corps meurtri d’Yvonne, Le Corbusier oppose son travail pour le Pavillon Philips : organique (à l’image d’un estomac), mathématique, musical et délibérément tourné vers la modernité grâce au concours d’Iannis Xenakis et d’Edgar Varèse. Les compositions que Le Corbusier livre désormais sont celles qu’il connait déjà sur le bout des doigts. Il panache ainsi les reprises de motifs (l’unité de Berlin), reprend goût aux compositions à quatre mains (la Maison du Brésil qu’il élabore avec Lucio Costa), concrétise également certains projets dormants depuis près de trente ans (le Musée à croissance illimité de Tokyo) tout en proposant également des inédits dûment mûris (le couvent Sainte-Marie de la Tourette ou la Maison de la culture de Firminy) qui lui permettent de poursuivre son approche brutaliste du béton dont il est devenu le principal ambassadeur à l’échelle internationale. Son énergie et ses efforts sont de nouveaux récompensés et début 1959 c’est sur les vestiges de l’ancienne Babylone qu’il met en place son projet de stade de Bagdad.
Sa frénésie professionnelle est une nouvelle fois entravée par le décès de sa « petite maman » le 15 février 1960. Le « destinataire naturelle » de ses pensées l’abandonne dans sa centième année :
« Je m’aperçois, que maman au Paradis, il me manque une boîte aux lettres pour y mettre (parfois) tel papier apportant une adhésion positive à mon boulot. Pour elle, ça me faisait comme la boîte aux lettres unique. Le reste, les autres, je m’en fous. »
1957
- Le 5 octobre, son épouse Yvonne décède
- Publication de L‘Œuvre complète 1952-1957, de Von der Poesie des Bauens, de Ronchamp aux Carnets de la recherche patiente, d’Entretien avec les étudiants des écoles d’architecture aux éditions de Minuit et de La Charte d’Athènes aux éditions de Minuit
- Début de l’exposition itinérante dite des « Dix capitales » (Zurich, Berlin, Munich, Francfort, Vienne, La Haye…)
- Le Corbusier devient citoyen honoraire de la ville de La Chaux-de-Fonds, Commandeur des Arts et des Lettres
1958
- Inauguration du Secrétariat de Chandigarh
- Réalisation du Pavillon Philips et du Poème électronique en collaboration avec Edgard Varèse
- Publication du Poème électronique aux éditions de Minuit
- Réédition de Vers une architecture aux éditions Vincent Fréal
1959
- Maison de la Culture de Firminy
- Réédition d’Urbanisme et de L’Art décoratif d’aujourd’hui aux éditions Vincent Fréal
- Publication de la deuxième collection Salubra et de L’Urbanisme des trois établissements humains aux éditions de Minuit
- Exposition itinérante Le Corbusier (1959-1960)
- Docteur Honoris Causa de l’Université de Cambridge
- Commande de l’Unité d’habitation de Firminy par Eugène Claudius-Petit, maire de la ville et ancien ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme
- Publication du deuxième Clavier de couleurs Salubra
1960
- Construction de l’Écluse de Kembs-Nifer
- Décès de sa mère, Marie-Charlotte Amélie Jeanneret
- Publication de L’Atelier de la recherche patiente
- Inauguration du Couvent de La Tourette
- Réédition de Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme aux éditions Vincent Fréal
- Conférence à La Sorbonne le 4 février sur les Programmes contemporains d’équipement de la société machiniste