Urban planning in the Rotterdam district
Strasbourg, France, 1951
Photo : Lucien Hervé
© FLC/ADAGP
Le concours auquel Le Corbusier et son agence répondent est un concours sur inscription préalable. Il est orchestré par le M.R.U, alors dirigé par Eugène Claudius-Petit, « dans le désir louable de provoquer des regroupements cohérents d’entreprises et d’architectes réunis ». C’est ce regroupement atypique d’architectes et d’entrepreneurs qui séduit Le Corbusier, pourtant encore marqué par les stigmates de ses échecs et désillusions de concours précédents : ceux du Palais de la Société des Nations et celui du quartier général des Nations Unies.
Le programme du concours exigeait un ensemble de 800 logements, aménagé sur un terrain de 10 hectares. Le projet conçu et défendu par Le Corbusier s’articule autour de deux bâtiments monumentaux (avec toit-terrasse) de quatre cents logements, séparés par une distance de 200 mètres. Une tour cylindrique inédite, située à mi-chemin des deux unités d’habitation, apparaît comme une option supplémentaire. Haute de 50 mètres, elle aurait accueilli 100 logements. Cette tour est mentionnée comme variante au projet. Le parti pris par Le Corbusier imposait une densité supérieure à celle prévue mais permettait ainsi de libérer davantage d’espace (93% de la surface au sol). En quête permanente d’une ville « verte » et « radieuse », l’architecte envisage l’implantation d’une piscine (à l’ouest), d’une école (au nord), de parkings, de stades sportifs (au sud) ; le tout au cœur d’un parc.
Les unités d’habitation quoique proches du modèle de celle de Marseille, ne reprennent pas le système des casiers à bouteilles. Le Corbusier opte pour une structure en éléments « U » monolithes de béton moulés et préfabriqués. Comme il le précise dans l’Œuvre Complète les parois verticales des « U » sont portantes. Les appartements comportent sept types différents, de l’appartement pour célibataire à celui pour famille nombreuse. Ils répondent tous à une volonté d’organiser et d’optimiser la vie familiale, on retrouve ainsi la salle commune à double hauteur autour duquel le foyer s’organise.
Une fois encore Le Corbusier prévoit de séparer les circulations automobile et piétonne. Il existe également quatre points d’accès pour l’enlèvement spécifique des ordures au pied des trémies de collecte situées aux extrémités de chacune des deux unités.
L’amitié liant Eugène Claudius-Petit à Le Corbusier n’infléchira pas le choix du jury en sa faveur. Ce jury était d’ailleurs composé de certaines célébrités et connaissances de Le Corbusier (qui ne le portaient pas tous dans leur cœur) : Auguste Perret, André Lurçat, Georges-Henri Pingusson… Il termine quatrième du concours avec une fois encore beaucoup d’amertume ; il écrit dans l’Œuvre Complète que :
« Tout fut bien organisé sauf une chose : le jury ! Celui-ci ne fut pas désigné nommément. Lorsque les projets furent exposés et furent jugés, un incident se produisit. Le projet Le Corbusier comportait 120 mètres de plans bout à bout ; il ne disposait que de huit mètres environ de cimaises, ce qui obligea à les superposer par couches épaisses. Quand le jury passa devant ces plans, une question lui fut posée : « Le projet Le Corbusier (car le concours n’était pas anonyme) peut-il être pris en considération ? » Le jury répondit : « Non ! » Ce jury était formé de dix architectes et dix autres personnalités prises dans diverses disciplines. Les architectes du jury ont donc écarté le projet. C’est par un sauvetage in-extremis qu’il put être primé toutefois et devenir quatrième et dernier au classement. Le Projet avait couté à l’atelier Le Corbusier cinq millions de francs. »
Et pourtant Le Corbusier était parvenu à tenir le budget imparti, en proposant un devis inférieur de quelques millions.
Il était dès lors facile de proposer pour la ville de Strasbourg une urbanisation et une architecture rationnelles, capables d’absorber les 800 appartements du programme. II est inutile de fournir ici l’explication. Les plans ici publiés montrent les bâtiments conçus, leur nature variée.
Ce qu’il est utile de signaler à l’occasion de ce grand concours, sur inscription préalable, organisé par le Ministre de la Reconstruction dans le désir louable de provoquer des groupements cohérents d’entreprises et d’architectes réunis, c’est une défaillance dangereuse dans la publication du concours : tout fut bien prévu sauf une chose: le jury ! Celui-ci ne fut pas désigné nommément. Lorsque les projets furent exposés et furent jugés, un incident se produisit. Le projet Le Corbusier comportait 120 mètres de plans bout à bout; il ne disposait que de huit mètres environ de cimaise, ce qui obligea à les superposer par couches épaisses. Quand le jury passa devant ces plans, une question lui fut posée : “Le projet Le Corbusier (car le concours n’était pas anonyme) peut-il être pris en considération ? Le jury répondit : “Non!” Ce jury était formé de dix architectes et de dix autres personnalités prises dans diverses disciplines. Les architectes du jury ont donc écarté le projet. C’est par un sauvetage in-extremis qu’il put être primé toutefois et devenir quatrième et dernier au classement.
Le projet avait coûté à l’atelier Le Corbusier cinq millions de francs. Le programme réclamait le groupement de 800 logements sur un terrain de 10 hectares limité par des immeubles et par une caserne. Le projet de Le Corbusier comprenait deux unités d’habitation semblables, de 400 logements chacune. En supplément, 100 petits appartements étaient rassemblés dans une tour cylindrique. Malgré une densité supérieure à celle réclamée par le programme, les constructions occupent moins de 6% de la surface du sol, les “Unités” moins de 2%.
93% du sol demeure libre, en un parc disponible pour des écoles, stade, piscine, les sports, pour des garages, etc. Le devis total, engageant par leur signature la totalité des entrepreneurs, est apparu de quelques millions inférieurs au prix limite imposé par le programme – inférieur lui-même au prix normal des habitations à loyers modérés.
Extrait de Le Corbusier, Oeuvre complète, volume 5, 1946-1952