Urban planning
Izmir, Turkey, 1948
© FLC/ADAGP
Sollicité par la municipalité d’Izmir (anciennement Smyrne), Le Corbusier reçoit, en décembre 1938, la visite de Cahit Çeçen, ingénieur en chef de la ville qui lui propose de réaliser le nouveau plan directeur.
A Behçet Uz, maire de la ville, Le Corbusier explique son travail d’urbaniste :
« Il faut bien tenir compte de la différence qu’il y a entre l’urbanisme moderne que je pratique et l’urbanisme traditionnel. […] mon intention est de vous donner un statut régulier du terrain, comportant les problèmes de la circulation rapide et de la circulation des poids lourds, de la circulation des piétons, le statut architectural permettant de réaliser des logis d’une manière générale en tout endroit de la ville, fixer autant que possible les lieux des services publics et ceux de services communs, ceux-ci devant, par leur organisation, apporter un grand bienfait à la population, etc.. »
Fin avril, le maire de la ville l’informe que le plan d’urbanisme est désormais soumis à concours et invite Le Corbusier à y participer. Préoccupé par l’incertitude du résultat du concours, l’architecte fait astucieusement une contreproposition au maire d’Izmir, dans laquelle ses prétentions et ambitions professionnelles sont revues à la baisse. Le 25 mai, l’offre de Le Corbusier est finalement acceptée. Un contretemps d’ordre fiscal ralentit encore les négociations puis le déplacement de Le Corbusier en Turquie. Le 5 juillet, un courrier de Behçet Uz, faisant office de contrat, annonce la fin de ce problème. La seconde guerre mondiale interrompt brutalement ce voyage et ce projet. Malgré quelques tentatives de gagner l’ouest de la Turquie, Le Corbusier ne parvient pas à s’y rendre. Bien que les négociations reprennent dès mars 1946, il faut attendre le 2 octobre 1948, et une longue correspondance avec Resat Leblebicioglu, nouveau maire de la ville, pour que Le Corbusier se rende à Izmir pour réfléchir et travailler à son plan d’urbanisme. Le 27 janvier, la proposition et les plans sont adressés à la municipalité.
Il existe une analogie entre ce projet et celui de La Rochelle que Le Corbusier esquisse durant la même période : Izmir est un port situé au fond du golfe de Smyrne, sur la mer Egée.
Les plans sont essentiels à la compréhension du projet. Nous y retrouvons les quatre points édictés par Le Corbusier dans sa Charte d’Athènes :
-H.1, H.2, H.3…correspondent à la fonction « Habiter »
-TA.1, TA.2, TA.3… correspondent à la fonction « Travailler »
-CC.1,…. CE.1, etc. … correspondent à la fonction « Cultiver le corps et l’esprit »
-R.1, etc. … correspondent à la fonction « Circuler »
Parmi les éléments remarquables H.1 représente le nouveau quartier résidentiel à créer sur les hauteurs rocheuses de la ville alors que H.7 et H.8 sont d’anciens quartiers à rénover. H.9 signale la présence et le développement de la future cité d’habitation ouvrière rattachée à la cité industrielle. CE.1 est le centre culturel existant alors que CE.2 est un centre en développement pour lequel Le Corbusier prévoit d’installer un stade de réjouissance populaire comparable à celui qu’il envisageait pour Paris en 1936.
Le CC.2 correspond au port actuel qui pourrait devenir le futur port de plaisance. Le TP.1 renvoie au « travail du port », pensé dans un schéma général où la circulation routière et la circulation ferroviaire sont là pour le porter. Une circulation double : intérieure pour optimiser son zoning et les déplacements qui en découlent, mais aussi extérieure afin qu’Izmir se retrouve au cœur d’un maillage plus conséquent de villes.
Le plan représente l’implantation de la nouvelle cité industrielle formée sur le modèle de l’ « Usine-Verte », entourée de pelouses et de végétation, et parcourue par un réseau routier distinct pour le personnel et la marchandise. Une fois encore les conditions de travail doivent répondre au slogan de la « ville radieuse » : Soleil, Espace, Verdure. Nous retrouvons ces usines sous l’appellation TI.1 et TI.2. Les TA.1 et TA.2 correspondent réciproquement à la future cité d’affaire et la future cité administrative. Pour composer cette ville-verte, Le Corbusier use aussi de lotissements, prévus sur pilotis, aux normes antisismiques et pourvus de « brise-soleil ». Les plans présentent les deux types d’unités d’habitation : l’une pour six appartements, l’autre pour douze. Elles reprennent les idées d’aménagement exploitées pour l’unité de Marseille à une moindre échelle. Ces unités sont reliées aux voix de circulation, routes ou autoroute.
Rendu et apprécié, ce projet n’est pourtant pas passé à l’étape de réalisation. Une nouvelle fois, l’urbanisme optimiste et idéologique de Le Corbusier ne voit pas le jour.
L’architecte-urbaniste présentera malgré tous les plans d’Izmir lors du congrès CIAM de Bergame, du 23 au 27 juillet 1949.