Urban planning
Saint-Dié, France, 1945
© FLC/ADAGP
INFOS PRATIQUES
Projet non réalisé
Ce problème a été posé a Le Corbusier par l’une des associations de sinistrés de Saint-Dié, de suite après la libération, et par la ville de Saint-Dié, dont Le Corbusier fut nommé conseiller.
Le projet fit sensation en France et à l’étranger; aux Etats-Unis tout particulièrement, il apparut comme le signe péremptoire de la volonté de vivre de la France.
Ce plan fut considéré comme un prototype. II couronna l’exposition que les Américains avaient organisée en automne 1945 dans les salles de Radio-City (Rockefeller Center) à New York, sur l’œuvre de Le Corbusier. Cette exposition et ce plan furent, depuis, promenés au Canada et dans les villes des Etats-Unis. Pendant une absence de Le Corbusier aux Etats-Unis en janvier 1946, le plan subit des attaques violentes à Saint-Dié et fut torpillé du moins momentanément. Il exprimait d’une manière extrêmement claire les conditions de vie d’une société industrialisée coordonnant les lieux de son travail et de sa résidence tout en donnant à ses habitants, par les dispositions de ses habitations, des possibilités d’épanouissement de la culture du corps et de l’esprit.
De plus, le plan s’ordonnait autour d’un centre civique éminent qui apportait à nouveau ce que les siècles antérieures ont connu, au temps où la vie sociale était intense.
La reconstruction de Saint-Dié s’offre, en effet, dans des conditions exceptionnelles. Les Allemands ont détruit systématiquement tout ce qui fut la cité pendant des siècles. (On a fait évacuer 10.000 habitants, et en 3 jours et 3 nuits, à coup de grenades et de mines tout fut rasé.)
Le plan comporte sur la rive gauche de la Meurthe, et face au lit même de la ville, des manufactures constituées en éléments standards types sous forme d'”Usines Vertes”, elles constitueront un front éminent de la ville, d’environ 1200 m.
De l’autre côté de l’eau, les 10.500 habitants trouveront leurs habitations sous forme des cinq premières unités d’environ 1600 personnes chaque; le reste des habitants disposera de maisons familiales à construire au long des routes dans les talwegs qui aboutissent au cœur de la ville.
Ce cœur de la ville est constitué par le centre civique au milieu duquel s’élève le bâtiment des forces civiques et civiles, c’est-à-dire mairie et préfecture, les salles des commissions, des comités, les bureaux d’administrations, les tribunaux, etc. Bâtiment modèle d’administration (bureaux).
L’un des côtés du centre civique est bordé par les équipements touristiques, cafés, restaurants, artisanat et tourisme …
L’autre côté par les institutions culturelles: grandes salles des réunions, musée à croissance illimitée (à ce sujet, la Direction des Musées Nationaux à Paris, qui est animée d’un esprit très moderne, s’était déclarée ravie de voir instituer un musée de ce type à l’occasion de la reconstruction de Saint-Dié).
Derrière le centre civique, sur sa colline, demeurait la cathédrale, avec son cloître. Enfin, un barrage judicieux permettait, en été, d’établir une nappe d’eau dans l’encaissement actuel de la Meurthe, constituant un centre attractif, sportif et de sociabilité précisément entre la cité manufacturière et le centre civique avec sa cité d’habitation.
Le plan porte encore, pour le futur, l’emplacement de trois autres Unités d’habitation, qui pourraient peu à peu résorber toute une part du faubourg demeuré intact – du faubourg construit dans la hâte de ces dernières années. Le plan de Saint-Dié est un drapeau. Qu’il subisse des vicissitudes, personne ne s’en étonnera. C’est véritablement un plan des temps modernes, technique moderne, vie moderne, esthétique moderne, éthique moderne.
Extrait de Le Corbusier, Oeuvre complète, volume 4, 1938-1946