Mundaneum, Musée mondial
Genève, Suisse, 1929
© FLC/ADAGP
INFOS PRATIQUES
Projet non réalisé
Le Mundaneum comporte dans l’état actuel de la question les éléments suivants :
a) Les associations internationales. Vaste bâtiment de bureaux pour les permanences, de salles pour les comités et de salles pour les commissions. Reliée directement, la Grande Salle des Congrès pouvant contenir 2 à 5000 auditeurs. Cette salle est construite sur les données scientifiques de l’acoustique. Elle est cantonnée par les organes de la Présidence et les Pavillons de réceptions et fêtes. La circulation automobile est à sens unique avec retour sur Genève par la route de France. A l’intérieur des bâtiments, la circulation est assurée par des ascenseurs et des rampes et non par des escaliers.
b) La Bibliothèque Internationale.
c) Le Centre d’études Internationales universitaires. Si chacune des universités existantes envoie deux étudiants à Genève pour s’initier aux questions entièrement neuves que soulève l’organisation des nations, l’Université du Mundaneum comptera 500 étudiants; elle peut aussi bien compter sur 1000 ou 2000 étudiants.Il s’agit ici d’une préparation où la question d’atmosphère jouera un rôle capital. L’Université est donc au cœur du Mundaneum.
d) Les Manifestations temporaires ou permanentes des Continents, des États, des Villes. Il s’agit ici d’édifier un système d’enquête mondiale rapide, instantanée, innombrable, multiforme, présentant l’homme dans ses réalisations créatrices, conceptives, – l’homme vivant en société, l’homme subissant la loi de la ville, de l’État, du Continent. Ce sont des objets, des spécimens, des modèles, des courbes, des photographies, des schémas, etc.
Cinq pavillons, relativement petits, forment les nucléus des bâtiments réservés aux États et aux Villes.
e) Le Musée Mondial. Et maintenant, après l’activité collective, après l’organisation bonne ou mauvaise, voici l’homme seul, face à l’univers. L’homme dans le temps et dans le lieu. Exactement l’œuvre humaine reportée à l’époque de sa création et dans les lieux qui l’ont vu naître.
L’œuvre.
Le temps.
Le lieu.
Comment synchroniser cet exposé par une visualisation instantanée ? Car elle ne sera véritablement poignante et utile, que si la visualisation est instantanée.
Musée tri-partie : trois nefs se déroulent parallèlement, côte à côte, sans cloison pour les séparer. Dans une nef l’œuvre humaine, celle que la tradition, la piété du souvenir ou l’archéologie nous ont apportée ici; dans la nef adjacente tous les documents qui fixeront le temps, l’histoire à ce moment-là, visualisée par les graphiques, les images transmises, les reconstitutions scientifiques, etc. Et tout contre, la troisième nef avec tout ce qui nous montrera le lieu, ses conditions diverses, ses produits naturels ou artificiels, etc.
Cette chaîne des connaissances où se déroule l’œuvre humaine à travers les millénaires, commence à la préhistoire et s’en vient élargissant ses maillons aux temps très rapprochés où l’histoire a déjà classé des certitudes.
Pour assurer la contiguïté des trois nefs du musée tri-partie et pour exprimer la succession ininterrompue des maillons grossissants de la chaîne, une conception architecturale fondamentale seule pouvait apporter la forme organique.
Cette forme est une triple nef se déroulant au long d’une spirale. Au départ de la spirale: en haut, les temps préhistoriques et la représentation succincte – d’ailleurs saisissante – que nous en avons. Puis les premières époques dites historiques. Et descendant la spirale, à la suite les unes des autres, toutes les civilisations mondiales. L’histoire et l’archéologie accumulant de plus en plus les documents, nous savons de plus en plus comment l’homme s’est maintenu à travers les formes différentes de l’organisation et de la culture. Le diorama devient de plus en plus vaste et de plus en plus précis. La spirale agrandit son déroulement, la place augmente. L’exposition des objets dans le lieu et le temps provoque comme une clameur de plus en plus forte. Tout s’enchaîne; tous les actes fous, égoïstes, téméraires ou désintéressés ont leur conséquence; celle-ci se manifeste tout de suite ou cent ans ou deux cents ans plus tard. La carte du monde grandit, se modifie, palpite comme une floraison prise au ralenti du cinéma.
Quel enseignement!
Quelle philosophie s’en dégage pour qui sait comprendre!
Au milieu du temps et du lieu, l’âme humaine, constante, vibrant entre sa raison qui tente de rectifier ce que sa passion déchaîne, produit ces œuvres qui sont, pour nous, immortelles, – les œuvres de l’art, témoignages infrelatables.
Supposons que les pays de la terre comprennent la grande conception du Musée Mondial. Dans deux nefs contiguës, les statistiques, l’iconographie, les graphiques situent tout. Ils enverront alors à Genève, au Musée Mondial, fût-ce en simple dépôt, une ou deux des œuvres capitales qui font leur gloire dans le patrimoine de l’humanité. Quel musée unique alors!
Et derrière le Mundaneum, dans la vaste cuvette aplatie, qui va jusqu’au jura, le domaine international logera ses services, son aérodrome et sa station de T.S.F. et ce que l’avenir apportera.
Extrait de Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Oeuvre complète, volume1, 1910-1929