Couvent Sainte-Marie de la Tourette
Eveux-sur-l'Arbresle, France, 1953-1960
La commande
Au début des années 1950, l’Ordre des Dominicains veut construire un centre de formation dans la région lyonnaise. Grâce au Révérend Père Marie-Alain Couturier, la commande d’un studium sur le domaine de La Tourette est confiée en 1953 à Le Corbusier.
Les travaux débutent en 1954. L’édifice situé un terrain de la commune d’Eveux-sur-L’Arbresle appartenant à la confrérie est inauguré en 1960.
Le projet
Conçu pour accueillir une centaine de moines (élèves et professeurs) l’ensemble conventuel est composé d’une église, d’une salle de chapitre, de salles de cours, d’une bibliothèque, d’un réfectoire, de parloirs, de cuisines et de cellules individuelles.
Le programme répond aux trois fonctions primordiales de la vie monacale : habiter, étudier et prier.
Dans ce bâtiment en béton aux volumes géométriques purs et aux textures brutalistes, Le Corbusier déploie une palette de dispositifs de contrôle de la lumière naturelle qui sculptent l’espace intérieur et les volumes : canons à lumière, mitraillettes, fentes horizontales et verticales, puits de lumière, boucliers, loggias, et pans de verre.
Inspiré par les couvents cisterciens, organisé sur un plan carré, le couvent de la Tourette est composé de deux corps de bâtiment distincts en béton : le couvent en U fermé au nord par l’église.
Les trois ailes du couvent reposent sur une ossature de poteaux et de poutres en béton. Les deux niveaux supérieurs sont consacrés à l’habitation et abritent les cellules des prêtres. Organisées de manière fonctionnelle, selon la diminution naturelle de la luminosité, elles s’articulent de l’extérieur vers l’intérieur : une loggia pour la méditation, puis un espace de travail bien éclairé, et un lieu de repos avec un lit, séparé par une armoire du coin toilette.
Les cellules matérialisent les recherches de Le Corbusier sur l’habitat individuel minimal et sont dimensionnées au Modulor (5,92 m de longueur ; 1,83 m de hauteur ; 1,83 m et 2,26 m de largeur, respectivement pour les frères et les pères).
Les étages inférieurs sont consacrés aux activités communes : salles de cours, bibliothèque, oratoire, salle du chapitre, réfectoire et cuisine.
Les cellules sont identifiables par des loggias avec panneaux préfabriqués aux pierres incorporées.
Aux étages inférieurs, les façades libres et indépendantes de la structure porteuse permettent à Le Corbusier un traitement varié des élévations. Vers la cour il emploie des pans de verre en Z et en H, éléments préfabriqués alternant parties opaques en béton et parties vitrées. Vers l’extérieur, il utilise les pans ondulatoires, composés de poteaux en béton disposés à distances variées et formant des ondes.
Ces ondulatoires, probablement inspirés de techniques constructives vues en Inde, sont réalisés en collaboration avec Iannis Xénakis. C’est à la Tourette qu’ils sont utilisés pour la première fois et qu’en sont exploitées toutes les potentialités techniques et poétiques.
Le couvent est couronné par un toit-terrasse pensé comme un espace de méditation, le haut parapet de béton empêchant la distraction des moines en prière. En absence d’un cloitre, dont la réalisation était impossible à cause de la pente du terrain, les volumes sont reliés au niveau du rez-de-chaussée par des couloirs formant une croix, appelés conduits. La construction sur pilotis permet de répondre à la forte déclivité du terrain.
L’église est un parallélépipède en béton banché, dont les coffrages sont dessinés minutieusement. Elle est éclairée par un puits de lumière et par des fentes horizontales et verticales aux surfaces colorées, créant à l’intérieur des effets lumineux toujours variés. La crypte et la sacristie, adjacentes à l’église, bénéficient de sources de lumière obliques, pour certains colorées, appelées respectivement canons à lumière et mitraillettes.
Le devenir du couvent
Le couvent est ouvert à la visite et une partie des cellules est dédiée à l’accueil d’hôtes.
De 2006 à 2013, le couvent a fait l’objet d’importants travaux de rénovation. Jusqu’en 2010, des travaux de mise en sécurité et de restauration des 3 ailes du couvent, notamment des toitures-terrasses, des surfaces en béton brut de décoffrage et des intérieurs ont eu lieu. Entre 2011 et 2013 un chantier de restauration de l’église, de la crypte et de la sacristie, notamment des surfaces en béton banché et de la polychromie intérieure, s’est déroulé.
À la fin des années 1960, le couvent cesse d’être un studium et s’ouvre au début des années 1970 vers l’extérieur pour des visites et séjours. Il est depuis devenu un centre de colloques et accueille les personnes désireuses de faire une retraite spirituelle. Le couvent est aujourd’hui habité par une dizaine de dominicains qui organisent annuellement un programme culturel « Les Rencontres de La Tourette » ainsi que des expositions d’art. En 1979, il est classé monument historique. Il figure dans la série inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2016.